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On l’appelle «la grande dame de l’érotisme». Et pour cause: Françoise Rey est l’une des auteures françaises les plus prolifiques de cette littérature souvent décriée. Après vingt-trois livres, elle ose le pari du chemin de traverse et s’intéresse à la face sombre de la sexualité. Les délits du corps, son nouvel opus, met en mots dix-sept histoires véridiques de crimes sexuels, du plus léger au plus sordide. Un ouvrage inclassable mais fort qui soulève cette dérangeante question: au fond, qu’est-ce qui est normal dans le sexe? Interview.

FEMINA Après une vingtaine d’ouvrages érotiques, vous publiez un recueil d’histoires racontant des crimes sexuels. Pourquoi ce projet?
FRANÇOISE REY L’idée n’est pas de moi, mais du docteur D.-R. (ndlr: l’auteure ne cite jamais son nom en entier dans le livre), psychiatre et expert criminologue, que je connais: j’ai lu certains de mes écrits dans les conférences qu’il donne. C’est lui qui m’a insufflé ce désir-là. Il était très intéressé par ma façon de mettre en mots les histoires qu’il me relatait d’une façon quasi chirurgicale, aussi il m’a donné des dossiers jugés et expertisés par ses soins et m’a dit: «J’aimerais que tu y trouves matière à faire un peu de littérature.» Il est vrai que ce livre échappe à mon créneau ordinaire, voilà pourquoi il amis longtemps à paraître.

Certaines maisons d’édition vous ont conseillé de le publier sous pseudonyme.
Beaucoup ont salué le style mais ne voulaient pas faire paraître le livre, eu égard à ma réputation sulfureuse et au sujet délicat qui était traité. J’ai trouvé cela complètement loufoque et paradoxal, d’autant que je n’ai pas pris de pseudonyme pour signer tous mes autres livres. Les éditeurs avaient peur que cet ouvrage ne soit pris pour un livre érotique, et cela sur le dos des victimes d’inceste ou de pédophilie dont je parle. Mais je compte sur l’intelligence et le recul du lecteur pour faire la différence.

Dans votre façon de raconter ces histoires vraies, on sent de l’empathie pour les délinquants sexuels qui ont souvent eux-mêmes été victimes d’abus.
Oui. A cela, il y a plusieurs raisons. La première, c’est que je suis une personne relativement bienveillante; c’est dans ma nature. J’ai été professeure durant très longtemps, or la bienveillance est une des vertus principales de ceux qui exercent ce métier; sans cela, vous ne pouvez pas enseigner. Deuxièmement, il y a eu ma rencontre avec ce psychiatre dont la formule préférée était: «Quelle souffrance, quelle souffrance!» Il avait raison. Il faut avouer qu’il y a des moments où ces gens, même fautifs, sont quand même pitoyables.

Vous vous êtes posé des limites sur ce qu’il fallait ou non raconter?
Non, c’est avant d’écrire ce livre-là que je me posais des limites. Dans ma littérature érotique, je me suis bien gardée de faire intervenir des enfants et des pédophiles. Je voulais rester dans le sexe sinon joyeux, du moins pas malsain. Du coup, quand j’ai franchi cette barrière pour Les délits du corps, je n’ai plus eu de tabous. Il fallait que j’aille jusqu’au bout.

Lors de l’écriture, aucun détail ne vous a mise mal à l’aise?
Si, l’histoire du pauvre garçon obèse qui est raillé, humilié dans son enfance et qui, devenu adulte, tombe amoureux d’un enfant. J’ai été très émue par sa douleur, sa solitude, j’ai imaginé comment c’était arrivé, la première fois entre lui et le petit garçon. Là, je me suis sentie un peu limite.

Qu’avez-vous appris de la nature humaine en écrivant «Les délits du corps»?
Quand j’ai pris connaissance des dossiers, j’ai été sidérée, par exemple, que la justice ou la gendarmerie intervienne pour des actes parfois bénins. J’ai été interloquée par le fait qu’on pouvait peser sur le destin de quelqu’un avec une simple plainte. Avant, on prenait très peu en considération les plaintes pour tripotage ou attentat à la pudeur, alors qu’aujourd’hui, il suffit qu’on déteste son beau-père pour l’accuser d’attouchements. Et on est écoutée. Dans le livre, j’ai écrit un texte qui mélange plusieurs dossiers traitant de cette thématique. Certaines filles avaient vraiment été abusées, mais d’autres étaient de vraies menteuses.

Au-delà de ces affaires criminelles, on s’aperçoit que la sexualité de la plupart des gens est moins simple et heureuse qu’on veut bien le croire.
Vous avez raison. On y retrouve souvent un manque, un besoin, une solitude. Depuis que je suis dans le créneau érotique, je ne cesse de fouiller, d’inventorier les multiples facettes de la sexualité humaine. Elles sont tellement différentes!

Certains sexologues conseillent vos livres aux couples en difficulté. Cela doit être très flatteur.
C’est très gratifiant. J’ai souvent été invitée à des congrès de sexologie et, effectivement, les spécialistes trouvent mes livres déculpabilisants.

Pourtant, la littérature érotique est parfois vue comme une sous-littérature.
A mes débuts, on m’a dit: «C’est dommage, avec le talent que vous avez, d’écrire ça.» Mais la littérature érotique est très riche et compte de très grandes plumes! C’est une littérature de l’émotion, dans laquelle le mot a un vrai pouvoir. Ado, j’ai lu Histoire de l’œil de Georges Bataille. C’était la première fois que je voyais écrites des choses aussi hardies et incendiaires. Cela m’a bouleversée sexuellement et j’ai envié le pouvoir que l’auteur avait surmoi. Aujourd’hui, je suis ravie d’avoir ce pouvoir-là.

«Les délits du corps»,

de Françoise Rey,

Xenia Editions,212 p.

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