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Une fois ingérée, cette molécule se transmet non seulement in utero, mais aussi par le biais de l’allaitement. Or, selon une étude récente de l’EPFL, une exposition précoce pourrait augmenter le risque de développer un cancer du sein. Notre test, réalisé avec la Fédération romande des consommateurs, pointe du doigt les produits qui en contiennent.

Il fut un temps où l’on ne jurait que par le lait en poudre. On en est revenu…Et de loin! A l’aube du XXIe siècle, l’allaitement est perçu comme le mode d’alimentation sain par excellence. Et c’est bien naturel. Mais est-ce vraiment le cas?

En effet, de plus en plus d’études mettent en évidence les méfaits des nombreuses substances (parabènes, phtalates, pesticides, nanoparticules, etc.) avec lesquelles nous sommes en contact permanent. Logiquement, ce cocktail chimique se transmet déjà au fœtus in utero et se retrouve dans le lait maternel, comme le montre une étude récente de Margret Schlumpf, chercheuse à l’Université de Zurich (paru en 2010 dans la revue Chemosphere).Cet acte d’amour qui consiste à donner le sein à son enfant est-il encore aussi naturel qu’on le pense à l’ère des plats pré-cuisinés et des crèmes antirides?

En tous les cas, la question mérite d’être posée: les adeptes du lait artificiel seraient-elles des visionnaires? L’avenir pourrait bien nous réserver un de ces revirements idéologiques dont il a le secret, bien que, pour l’instant, la question semble encore trop taboue pour même être soulevée. Pour preuve, notre première idée consistant à tester la teneur en bisphénol (BPA) du lait maternel s’est heurtée à de vives réactions. Le Laboratoire cantonal de Zurich, envisagé pour réaliser ces analyses, n’en a certes pas les moyens techniques, mais il a aussi évoqué des réserves d’ordre éthique: «Ce serait jouer avec le feu. En publiant de telles données, les mères risquent de paniquer et d’arrêter d’allaiter».

Un fait connu, mais occulté

Dans le cadre de cette démarche, nous avons découvert avec étonnement que le fait était connu depuis longtemps du milieu scientifique. Une étude japonaise, notamment, a quantifié – en 2004 déjà! – la teneur moyenne en BPA du lait maternel (soit 3,4 ug/kg). Cette concentration est plus élevée que celle détectée dans les biberons qui ont fait scandale récemment et qui ont conduit nos voisins européens à légiférer pour les interdire! Cela laisse songeur…

«Les bénéfices de l’allaitement sont bien documentés, mais les études peinent à évaluer si ses potentiels dangers, comme la transmission de bisphénol, pourraient les contrebalancer», souligne Bertrand Kiefer, éthicien et rédacteur en chef de la Revue médicale suisse. Si les scientifiques ont une telle pudeur vis-à-vis de cette problématique, c’est pour des raisons fondamentalement humaines: «Cela fait tout drôle de réaliser qu’on est pollué à notre insu, relève Bertrand Kiefer. Que cette pratique si intime, si belle et naturelle qu’est l’allaitement puisse transmettre quelque chose de négatif est de l’ordre de l’inacceptable.» Peut-être, mais n’a-t-on pas le droit de le savoir? Même si ça fait peur…

En effet, il ne passe pas une semaine sans qu’une nouvelle étude pointe le bisphénol du doigt. L’une d’elles met en évidence des concentrations élevées dans les soupes industrielles. Une autre dans le matériel médical utilisé en pédiatrie. Concernant son impact sur la santé: le bisphénol pourrait jouer un rôle dans les problèmes croissants d’obésité. Et comme tous les perturbateurs endocriniens, il interfère avec notre système hormonal et pourrait favoriser le développement de certains cancers (du sein, de la prostate, des testicules) et d’autres maladies comme le diabète. La liste de ses méfaits potentiels est longue. «Mais on ne peut pas faire un lien direct entre le BPA et un problème de santé humaine comme le cancer du sein, reconnaît d’emblée Cathrin Brisken, chercheuse à l’ISREC, Ecole des sciences de la vie de l’EPFL. Notamment parce que tout le monde est exposé. On ne peut pas isoler un groupe de contrôle.»

En fin d’année dernière, l’étude menée par cette spécialiste en biologie moléculaire a fait l’effet d’une petite bombe dans le paysage médiatique suisse. Elle démontre en effet un lien, chez la souris, entre une exposition périnatale au BPA – soit in utero et durant l’allaitement – et des changements persistants de la glande mammaire à l’âge adulte. Concrètement, la recherche consistait à exposer des souris au bisphénol très tôt dans leur vie, soit dans l’utérus et durant l’allaitement. Une fois sevrées, soit trois semaines après la naissance, elles étaient ensuite regroupées avec des souris non contaminées. Or celles dont les mamans avaient bu de l’eau chargée en bisphénol ont présenté, par la suite, un nombre plus élevé de cellules mammaires. «Même si on ne peut pas transposer directement ces résultats de la souris à la femme, il n’est pas exclu qu’une exposition périnatale au BPA puisse avoir un effet sur le risque de développer plus tard un cancer du sein, estime Cathrin Brisken. Et cela à très faible dose!»

Une molécule controversée

C’est d’ailleurs là que réside tout le problème: cette molécule pourrait agir déjà en quantité infime dans l’organisme. Ce qui change la donne: le fait a priori rassurant que le bisphénol est utilisé depuis une quarantaine d’années par l’industrie alimentaire et qu’il a fait l’objet de milliers d’études devient caduc. «C’est la troisième plus importante substance chimique à être produite au niveau mondial», remarque Cathrin Brisken. C’est dire la puissance du lobby! Or les recherches menées par l’industrie ont la curieuse tendance à démontrer l’innocuité de ce produit idéal pour rendre les plastiques solides et transparents…

Officiellement et en regard de l’ensemble des données à disposition, nos autorités sanitaires estiment que le niveau d’exposition au bisphénol par l’alimentation ne constitue pas un danger pour les consommateurs. Pour étayer ses dires, l’OFSP (Office fédéral de la santé publique) se fonde sur une dose journalière admissible. Au-dessous de celle-ci, il n’y a pas de risque toxicologique avéré. C’est là qu’un «mais» intervient: «Le gros problème avec ces molécules, c’est la toxicité à long terme», souligne Yann Berger, chimiste au Service de la consommation du canton de Vaud, qui a réalisé notre test sur la teneur en bisphénol de 45 produits en plastique (lire ci-dessous).

Enfin, on ne sait pas comment cette molécule se comporte en association avec d’autres: «Comprendre ce qui se passe avec ces substances est un enjeu de société important, estime l’éthicien Bertrand Kiefer. Cela demande une réflexion globale, dont la conclusion sera probablement que nous devrions apprendre à nous en passer». Pour Cathrin Brisken, l’enjeu est de taille: «On ne peut pas exclure que la génération suivante, soit celle dont les mamans ont été en contact régulier avec le bisphénol et d’autres substances, ne souffrira pas d’un nombre accru de cancers du sein.»

Etonnant donc que l’OFSP demeure si rassurant, quand de nombreux pays ont renforcé leur législation. «Il sort 6000 études par an sur le BPA. Or ses effets à basse concentration n’ont jamais pu être répétés de façon convaincante, justifie Vincent Dudler, chef de la section des risques chimiques à l’OFSP. On connaît le risque qu’on prend avec le BPA. Or on le considère comme faible. Mais on ignore celui que l’on prendrait avec d’autres molécules».

Gare aux substituts!

Ce spécialiste voit donc un danger bien plus grave dans le fait de pousser l’industrie à trouver rapidement des produits de substitution: «Le «Tristan», un nouveau copolyester qui a remplacé à la hâte le BPA dans les biberons en polyester, a été testé avec des modèles informatiques sur la seule base desquels il a été autorisé!» dénonce-t-il avec véhémence. Secret de fabrication oblige, il est très difficile d’en savoir plus sur la composition des emballages. Et au final, le doute subsiste…

Loin d’une démarche alarmiste, notre test, réalisé en collaboration avec la Fédération romande des consommateurs, va dans le sens de la transparence: 45 articles ont été analysés pour connaître la quantité de bisphénol qu’ils sont susceptibles de transmettre. Au final, c’est principalement le revêtement interne des boîtes de conserve qui est responsable d’une contamination. L’objectif consistait à mieux connaître les sources d’exposition au bisphénol pour permettre aux femmes de l’éviter le plus possible, spécialement durant la période de grossesse et d’allaitement. En aucun cas il ne s’agissait de culpabiliser celles qui font ce don magnifique à leur enfant.

Test: 45 produits livrent leur teneur en bisphénol (BPA)

En collaboration avec la FRC, Mieux choisir

Pourquoi le BPA? Parce que cette substance se classe dans la catégorie des perturbateurs endocriniens, qui ont l’inquiétante faculté de modifier le fonctionnement hormonal du corps humain. Or pas une semaine ne passe sans qu’une nouvelle étude ne mette en évidence le lien potentiel entre une exposition au bisphénol, même faible, et un risque accru de développer certaines maladies comme le cancer du sein.

Dans quels produits? Comme la principale source d’exposition est alimentaire, l’objectif consistait à mieux en appréhender l’origine, en testant les différentes catégories de récipients et autres articles pouvant en contenir: boîtes en plastiques, gourdes, biberons, films alimentaires, sachets de cuisson, plats pré-cuisinés et boîtes de conserves. Au total, 45 produits ont été testés, achetés dans les grands magasins.

Dans les limites légales? En Suisse, les plastiques en contact avec des aliments sont réglementés dans l’Annexe 1 de l’Ordonnance sur les objets et matériaux qui définit les valeurs limites de migration pour chaque substance, dont le BPA: 0,6milligrammes par kilo (mg/kg) ou, en microgrammes, 600 ug/kg. Or, si l’on considère les tomates concassées les plus chargées en BPA, il faudrait en consommer une douzaine de boîtes par jour pour atteindre cette limite. Au dessous, aucun effet toxicologique n’a été constaté sur les rats. Sachant que chaque Suisse mange en moyenne 0,85 boîte de conserve par semaine, l’OFSP considère que la population ne court aucun risque.

Alors, où est le problème? De nombreuses et récentes études démontrent que le BPA pourrait avoir un effet à très faibles doses et sur le très long terme, ce que les normes en vigueur ne prennent pas en considération. Sur la base de ces nouveaux éléments, plusieurs pays, dont le Canada, la Suède ou la France ont décidé de renforcer leur législation pour mieux protéger leur population.

Quelle méthode d’analyse? Les contenants pouvant passer au micro-ondes ont été remplis d’eau puis chauffés à 650 watts jusqu’à ébullition par le Service de la consommation et des affaires vétérinaires vaudois (SCAV). Même démarche pour les films alimentaires. Quant au contenu réchauffé des plats pré-cuisinés et des boîtes de conserve, il a été homogénéisé. Puis des échantillons ont été prélevés et placés dans une «colonne» servant à séparer le bisphénol des autres composants. Il restait alors à mesurer la quantité de BPA grâce à un appareil de mesure très sensible.

Quels résultats? Toutes les conserves de tomates et de thon (sauf une!) testées contiennent du bisphénol en quantités variant entre 6,43 et 50 ug/kg, soit très en dessous des valeurs limites légales. En cause: leur revêtement en résine époxyde. Selon Denner, la seule conserve sans BPA (voir ci-dessous) est aussi revêtue d’une de ces résines, donc il est possible d’en fabriquer sans BPA! Secret de fabrication oblige, il est difficile d’en savoir plus. Mais il est rassurant de constater le nombre d’emballages totalement exempts de bisphénol.

Tableau des 45 produits testés pour leur teneur en bisphénol (BPA)

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