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Quand le travail déraille

Vivre mieux au travail
© Getty Images

FEMINA: Le vendredi 28 avril 2017 aura lieu la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, un sujet primordial selon vous?
SOPHIE MORIN: C’est un sujet qui est devenu inévitable. Dans les entreprises, où j’interviens en tant que psychologue du travail, on ne peut plus faire sans, tant au niveau des enjeux humains qu’économiques. Tout dépend du degré de maturité des entreprises bien sûr, mais le sujet est très présent et le cadre est strict.

Comment expliquer que les taux de satisfaction et d’implication des collaborateurs dans les entreprises baissent?
Les taux d’implication et de satisfaction sont souvent inversement proportionnels au taux de stress. Ils seront d’autant plus bas que les salariés ont l’impression de donner plus qu’ils ne reçoivent, d’où l’importance de développer la reconnaissance au sein de l’entreprise.

Le maître-mot pour être performant au travail, c’est de faire preuve d’adaptabilité?
Aujourd’hui, pour être performant, il faut pouvoir s’adapter aux changements qui sont de plus en plus fréquents et rapprochés. Si on n’est pas capables d’adaptabilité, on perd vite beaucoup d’énergie et on s’épuise. Pour autant, il est normal d’avoir une phase moins performante lors de la mise en place d’un changement, le temps au corps et au cerveau de s’adapter au changement. Cette phase-là n’est malheureusement pas toujours prise en compte.

Est-ce qu’on peut dire que les facteurs de stress sont en croissance permanente?
Mauvaise répartition des charges de travail, diminution du soutien social, augmentation des conflits de valeurs, omniprésence et surabondance des mails… A un moment donné, on va plafonner côté facteurs de stress, mais je ne suis pas sûre qu’on y soit déjà arrivés. Il n’y a qu’à voir notre rapport à nos boîtes e-mails, qu’on ne peut s’empêcher de consulter non-stop. Certaines entreprises cependant prennent conscience de ces facteurs et mettent en place des démarches de prévention.

Le stress peut-il devenir chronique?
En cas de conflits répétés avec un collègue ou lors de surcharge importante de travail par exemple, des situations de stress chronique peuvent s’installer. Mais il faut toujours garder en tête qu’on peut faire marche-arrière. Si on arrive à retrouver sa lucidité, à considérer la cause du stress autrement et à prendre du recul, on peut s’en sortir. Il faut réapprendre à garder la bonne distance.

Pour certains, une surcharge de travail peut-être stressante, pour d’autres elle est motivante. C’est la réaction face au stress qu’il faut apprendre à gérer?
En effet, ce n’est pas l’événement stressant en lui-même qui est mauvais, c’est sa perception. Il peut être une menace, un enjeu ou un défi. Parfois, lorsqu’on sait d’avance que l’on va être en surcharge de travail, on suit le message contraignant (des recommandations entendues dans l’enfance, ndlr) du «sois parfait», et on fonce tête baissée jusqu’à l’épuisement. Mais si on se dit qu’une journée a tant d’heures, et qu’on ne continue pas à travailler au-delà, le rapport à ce stress potentiel devient différent.

Quand les attentes et la réalité ne se rejoignent plus, c’est là qu’on parle de burn-out?
Le burn-out, c’est un sentiment de fatigue intense, tant physique qu’émotionnelle, et celui de ne plus être compétent, efficace. Au sens littéral, c’est «brûler de l’intérieur, se consumer». Souvent, la personne qui en souffre ne s’en rend même pas compte. Pour elle, c’est normal de mal dormir pendant des mois… alors que ça ne l’est pas!

… et le bore-out alors?
30% des actifs seraient touchés par ce phénomène de «sous-occupation» au travail (le bore out se traduirait par le «syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui», ndlr). Comme le burn-out, le bore-out est symptomatique d’une des grandes difficultés du monde du travail: déterminer la bonne adéquation entre son activité et ses compétences.

Votre livre invite chacun à identifier son profil, et à choisir les bons outils pour interagir avec son environnement de travail. Une sorte d’auto coaching?
Oui, c’est avant tout un message de prévention. Pour agir avant qu’il ne soit trop tard, en apprenant à dire non, en identifiant les cercles vicieux, en agissant sur son corps par la respiration, en gérant son stress pour plus de sérénité et d’efficacité…

Quel rôle jouent les émotions sur le lieu de travail?
Dans le monde du travail, les émotions sont considérées comme gênantes. Mais on peut s’en faire des alliées en les identifiant. Un exemple: quand on ressent de la colère face à une situation, cela peut alerter sur quelque chose et devenir un outil pour désamorcer une explosion ingérable. Emotions et stress sont en étroite relation. Une étude a révélé que 80% des managers prenaient des décisions basées sur leurs émotions. Mais seul un sur deux l’avoue. Elles sont utiles dans de nombreuses situations, qu’il s’agisse de créativité, d’apprentissage, de leadership…

Les femmes sont-elles différentes dans leur gestion des émotions et du stress?
Les femmes auraient une moins bonne gestion du stress que les hommes, mais ont une meilleure intelligence émotionnelle. Toutefois, dans les faits, elles sont deux fois plus vulnérables aux troubles anxieux et dépressifs, et 36% d’entre elles travaillent à un niveau de stress extrême ou élevé. Contraintes familiales et gestion de la double journée obligent, elles sont de plus exposées à des conditions de travail combinant faible latitude décisionnelle et forte demande psychologique.

Globalement, nous ressentons une pénurie de temps. Comment l’expliquer?
Depuis une vingtaine d’années, nous assistons à un bouleversement dans notre rapport au temps. Alors que tout est fait, niveau technologies, transports ou aménagement des horaires de travail pour que nous puissions en gagner, nous en ressentons le manque plus que jamais. Le stress et les émotions altèrent notre représentation du temps et accélèrent notre horloge interne.

Quel rôle joue l’hyperconnectivité dans cette gestion du temps?
89% des salariés estiment que les nouvelles technologies (smartphone, messageries, réseaux sociaux) renforcent le sentiment d’urgence. Quand on sait qu’une boîte mail reçoit en moyenne 20 000 messages par an ou qu’une personne travaillant en ligne connaît environ 400 interruptions par jour, il y a de quoi se sentir débordé!

Le bonheur au travail existe-t-il?
Avec les bons outils, oui. C’est comme dans un couple, on ne peut pas dire que tout soit 100% positif sur la durée, il y a des hauts et des bas. Mais lorsqu’on arrive à la fin de sa journée de travail en se disant qu’on a apporté autant qu’on a reçu, avec un sentiment de légèreté, on peut considérer que le bonheur au travail existe.

A lire

«Vivre mieux au travail, s’affirmer et réguler ses émotions», Sophie Morin, Ed. Odile Jacob


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