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Du poison dans les sex toys! Lancé il y a quelques semaines, le cri d’alarme des Verts allemands relance la polémique: les vibromasseurs, godemichés et autres canards vibrants contiendraient des substances chimiques nocives.

En cause, les phtalates, des additifs chimiques utilisés pour assouplir le plastique, et soupçonnés de perturber le système hormonal, causant obésité, stérilité, diabète, voire cancer. Or, si les autorités européennes ont interdit depuis 2005 (la Suisse a suivi en 2007) ces composés dans les jouets destinés aux petits enfants (leur taux est limité à 0,1% de la masse totale du jouet) aucune loi ne réglemente leur usage dans les gadgets sexuels. La santé sexuelle serait-elle donc sacrifiée sur l’autel des tabous?

Un rapport réalisé par Greenpeace Pays-Bas en 2006 dénonçait déjà les taux de phtalates des sex toys. Des résultats corroborés, un an plus tard, par un test effectué pour l’émission A Bon Entendeur: ces composés représentent jusqu’à 58% de la masse de certains jouets sexuels. Problématique? Oui, selon une étude du Ministère de l’environnement danois, car les phtalates sont absorbés par la muqueuse vaginale. Or, confirme le Dr. Thierry Buclin, médecin-chef de la division de pharmacologie et toxicologie cliniques du CHUV, «on sait que certains médicaments sont absorbés aussi efficacement par voie vaginale que par voie orale. On peut donc imaginer que les phtalates contenus dans les sex toys exposent assez directement la matrice, étant donné que celle-ci est à bout portant. Mais il faut relativiser: l’influence de ces composés sur le système hormonal est bien plus faible que celle de la pilule.»

Les députés écologistes s’inquiètent-ils donc pour rien? Pas vraiment. «Le problème, c’est l’accumulation, poursuit le médecin. Nous sommes soumis chaque jour à des molécules qui, comme les phtalates et les parabènes, ont un effet similaire aux oestrogènes. Or, ces dernières décennies, on a constaté une baisse constante du nombre de spermatozoïdes chez l’homme. Les couples stériles sont en augmentation, le nombre de cancers du sein aussi. Parallèlement, l’âge des premières règles chez les filles a baissé: il n’est plus rare que la puberté arrive à 12 ans déjà. C’est très troublant. S’il est très difficile de prouver que ces composés chimiques en sont responsables, ils ne sont pas pour autant au-delà de tout soupçon.» Les phtalates, rappelle le Dr. Buclin, sont d’ailleurs interdits en Suisse dans les films alimentaires, car ils migrent dans la nourriture et en particulier dans la graisse.

L’OFSP botte en touche

Alors, pourquoi ne pas imposer légalement un taux maximum de phtalates dans les sex toys afin de réduire notre exposition à ces composés? A l’Unité de direction Protection des consommateurs de l’Office fédéral de la santé publique, on botte en touche et rappelle que la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels réglemente les produits qui «entrent en contact avec les muqueuses buccales». Vibromasseurs et godemichés ne sont pas concernés. C.Q.F.D. Pourtant, selon le Dr. Buclin, une réglementation en la matière ne serait pas un luxe. «Cela relèverait du bon sens, d’autant que le commerce des sex toys se démultiplie. Dans le cas des enfants, on a estimé que le fait qu’ils soient en croissance exigeait qu’on applique le principe de précaution. On a donc limité le taux de phtalates dans les jouets qu’ils peuvent porter à la bouche. Mais l’adulte, même si sa croissance est derrière lui, n’est pas mieux protégé que l’enfant envers ces composés. Au lieu de se perdre en considérations sur la moralité l’utilisation de sex toys, ne faudrait-il pas adapter la législation pour l’adapter au mode de vie réel des gens? Le législateur a ses tabous…»

Sans phtalates, mais plus cher

Paradoxalement, c’est l’industrie du sex toy qui applique le principe de précaution. «Les fabricants européens comme Fun Factory ou Lelo utilisent du silicone ou du plastique ABS, plus malléable et sans phtalates, explique la Lausannoise Marina Bonnet, propriétaire du sex-shop en ligne Bonbon Rose. Mais les Etats-Unis et la Chine sont encore très en retard.» Or, l’Empire du Milieu ne produit pas moins de 70% des sex toys vendus dans le monde. Des jouets d’autant plus attirants qu’ils sont bon marché. Un vibromasseur de type «rabbit» en silicone est en moyenne 50% plus cher qu’un modèle similaire en plastique. Différence de prix qui peut dépasser les 100% lorsque le sex toy en silicone est rechargeable sur secteur. «C’est comme comparer une Lada pourrie et une Porsche!, lance Marina Bonnet. Mais il ne faut pas oublier qu’un sex toy haut de gamme est plus résistant et garanti par le fabricant. On a donc tout intérêt à y mettre le prix: au minimum 100 francs pour un vibromasseur de qualité.»

Pour ne pas «s’empoisonner» avec un sex toy, il vaut mieux être prête à investir. Ou avoir le nez fin, selon Marina Bonnet: «Les sex toys qui contiennent des phtalates sentent le rideau de douche en PVC et sont recouverts d’une fine pellicule grasse. Ça se voit à l’œil nu que ce sont des produits «sales». C’est assez répugnant.» Alertée par l’émission A Bon Entendeur consacrée au sujet en 2007, cette ex-infirmière vend exclusivement des sex toys sans phtalates. «Je fais très attention car j’estime que, si on a le choix, il vaut mieux éviter. Mais dans le milieu gravitent beaucoup de charlots qui sont juste des vendeurs et ne connaissent rien à rien. Ils ne savent même pas où se trouve le clitoris par rapport au vagin! Face à ces personnes-là, une législation permettrait de mieux protéger le consommateur.» En attendant que Berne et Bruxelles se prononcent sur la question, dans le doute, pour utiliser son vibromasseur, il est recommandé de se protéger comme lors d’une première nuit avec un inconnu: en lui mettant un préservatif.

Le chiffre

52% des femmes ont déjà utilisé un vibromasseur, et près d’une sur quatre l’a fait au cours du dernier mois. C’est ce que révélaient, en 2009, deux études réalisées aux Etats-Unis. Et les hommes? La moitié des sondés âgés de 23 à 44 ans confie avoir essayé les sex toys.

Corinne Sporrer
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