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J’ai passé 50 ans et je lance ma boîte

J’ai passé 50 ans et je lance ma boîte

L'envie, les compétences et le savoir-faire n'ont rien à voir avec le nombre des années. Il est grand temps d'abolir les stéréotypes qui entravent les femmes dans leur volonté d'entreprendre.

© Getty

Devenir entrepreneuse passée 50 ans? Catherine Goodman Zosso a osé franchir le pas. En juin 2019, à 55 ans, elle a lancé le site internet proposant sa marque de vêtements active life, Anna Goodman. Le principe? Les pièces sont inspirées par les peintures de chakras réalisées par l’entrepreneuse. «L’idée, c’est de bénéficier de l’impact positif des couleurs, notamment lors de la pratique du yoga et autres: gym, Pilates, spa, en intérieur ou extérieur, etc.», commente la Vaudoise.

Ce chemin professionnel n’a pas été une évidence pour cette avocate de formation, maman de deux enfants. «J’ai beau avoir étudié, il est très difficile de se remettre dans le monde du travail lorsqu’on a pris du temps pour sa famille, regrette-t-elle. De par mon expérience, je me suis rendu compte qu’une femme ne devrait jamais arrêter de travailler, même le temps partiel est un piège. L’entreprenariat n’est pas une voie facile, il faut être créatif.»

Le mythe Zuckerberg

Pour Nadine Reichenthal, chargée de cours à la HEC et présidente du Club des femmes entrepreneures, l’âge n’est absolument pas un critère de réussite. Bien au contraire: «Il faut arrêter avec ce mythe issu de la Silicon Valley, à l’image de Mark Zuckerberg ou Elon Musk. Il n’y en a qu’un sur un milliard qui réussisse comme eux en étant si jeune.» La preuve? En Suisse l’âge moyen au moment de créer son entreprise est évalué à 55 ans. Une enquête publiée en 2018 et réalisée par le Massachusetts Insitute of Technology est arrivée à la même conclusion: «Les entrepreneurs qui réussissent sont d’âge moyen et non pas jeunes. Nous n’avons trouvé aucune preuve qui indiquerait que les créateurs dans la vingtaine sont particulièrement susceptibles de réussir. Au contraire, nos résultats démontrent que ces derniers semblent défavorisés.»

«Qu’on ait 25, 50 ou 65 ans, on a finalement les mêmes chances de percer, résume notre experte. Quelque 75% des projets n’aboutiront à rien. Ce qui fait la différence, c’est la capacité à répondre à un besoin, d’avoir des gens qui sont prêts à dépenser de l’argent pour acquérir le service ou le produit qu’on développe.»

C’est précisément ce qui a poussé Katharina Vaquero, 52 ans, à lancer So Many Queens, une boutique proposant de petites marques indépendantes du nord de l’Europe, à Perroy (VD). «Il y a une réelle demande pour les objets, les vêtements inédits que nous proposons. Nous l’avions déjà pressenti lorsque nous avons mis en place les Style Market, en 2012.» Ces événements éphémères se sont ainsi mués en échoppe contemporaine. Katharina, qui a fait carrière dans l’aviation et le voyage, n’avait jamais songé à travailler dans l’industrie de la mode. «Si on me l’avait dit, je n’y aurais pas cru, sourit-elle. Je m’imaginais avoir une carrière professionnelle traditionnelle mais, finalement, devenir entrepreneuse m’a permis de concilier job et vie de famille.»

«Je n’aurais pas pu franchir le pas en étant plus jeune. J’ai l’esprit libre aujourd’hui et j’ai la chance de ne pas ressentir de pression financière. Je ne devais pas gagner des sous dès le premier jour, mais je pouvais investir dans l’entreprise.»

Ce n’est pas le cas de Katia Bornoz, fondatrice de Rêves d’intérieurs, une entreprise de décoration basée à Pully (VD). L’entrepreneuse a engagé toutes ses économies pour monter son business. «Je n’arrive pas à dire s’il aurait été plus facile pour moi de me lancer en étant plus jeune», confie celle qui fut auparavant danseuse de ballet classique. Et d’ajouter que le temps apporte de l’expérience et permet de nourrir un projet. Pour elle, pas question d’échouer: son salaire contribue à l’équilibre de sa vie familiale. «Ça n’est pas spécifique aux femmes, mais effectivement, c’est très compliqué de se retrouver au chômage rechercher du travail à 50 ans, abonde Nadine Reichenthal. Tout le monde vous dit qu’il faut travailler jusqu’à 75 ans, mais aucun employeur ne veut vous embaucher à partir de 45. Il y a vraiment un problème.»

La question du financement est centrale: la plupart des entrepreneuses qui se lancent se voient contraintes de mobiliser leur deuxième pilier. Comme le rappelle la Fédération des entreprises romandes sur son site internet, «la décision de retrait ne doit pas être prise à la légère [...] Un tiers des sociétés disparaissent après trois ans d'activité et la moitié dans les cinq ans suivant leur création.» Une étude réalisée en 2005, mandatée par l'Office fédéral des assurances sociales, a pointé du doigt le fait que 20% des indépendants ayant obtenu le versement du deuxième pilier pour fonder leur entreprise jettent l'éponge. Un risque financier qui pèse lourd lorsque l'on a passé 50 ans et que les années restantes pour se reconstituer un capitale-retraite ne sont pas nombreuses.

Ego ou éco?

Anne-Chantal Junod accompagne des gens qui souhaitent se réorienter professionnellement à travers Latitude de Vie, son service de coaching basé à Bex (VD). Elle-même s’est lancée tardivement en tant qu’indépendante, à 56 ans, après une grande remise en question et un profond mal être. «J’avais tout ce que la société considère comme étant un gage de réussite et de succès: un mari, trois enfants, un bon salaire, mais je n’étais pas heureuse», se souvient cette ancienne enseignante. «En même temps, je n’aurais pas pu me lancer étant plus jeune, il y avait trop de freins. Je ne regrette pas mon parcours, j’ai beaucoup appris. L’enseignement principal? Quand on est aligné sur la personne qu’on est vraiment, on fait rayonner son diamant intérieur. Pour notre bien-être et notre santé, il est important de ne pas rester dans un travail qui ne nous convient pas.»

Attention toutefois à ne pas confondre envie et besoin, égo-nomie et économie, martèle Nadine Reichenthal. «Si c’est un désir personnel de se réaliser à travers la peinture sur soie ou les cupcakes, on est sûr de foncer droit dans le mur, note-t-elle. Il faut toujours se poser la question de nos motivations profondes.» A 50 ans, on est souvent moins dans une vision égocentrée, observe l’experte, «par conséquent, on est plus observateur, on arrive souvent mieux à percevoir les besoins de celles et ceux qui nous entourent.»

«En outre, les démarches pour trouver des fonds peuvent être facilitées du fait qu’on nous accorde davantage de confiance. Toutefois, il restera toujours de nombreuses barrières à franchir.»

Catherine Goodman Zosso en est consciente et se laisse le temps de faire mûrir son entreprise. Son arme secrète? Savoir s’entourer des bonnes personnes, déléguer ce qui est possible et ne pas ménager ses efforts pour se faire connaître. «Mon fils gère les réseaux sociaux d’Anna Goodman, j’ai embauché un de ses amis pour le site internet, je m’entoure de jeunes qui maîtrisent mieux que moi le digital, témoigne-t-elle. Cette aventure entrepreneuriale me permet enfin de m’épanouir, moi qui ne l’ai jamais été vraiment en tant qu’avocate. Créativité, capacité d’innover, originalité: cette voie me comble totalement!»

4 conseils pratiques pour néo-entrepreneuses

Mettre à profit ses connaissances: «Il faut se lancer dans un secteur qu’on connaît, dont on maîtrise les codes, assure Nadine Reichenthal. C’est un vrai gage de succès. La compétence managériale est également au cœur de la réussite.»

Croire en ses rêves (et ne rien lâcher): «Si on a des rêves, il faut se donner tous les moyens pour les concrétiser, recommande Katia Bornoz. Outre le fait d’être passionnée, déterminée et convaincue, il est essentiel d’écouter ce qu’on a en soi, de ne pas faire taire cette petite voix. Ainsi, pas de regrets possible.»

Effectuer un pas après l’autre: «L’erreur à ne pas commettre serait de vouloir brûler les étapes, souligne Katharina Vaquero. L'entrepreneuriat est un long parcours qu’on construit sur plusieurs années. Je recommande de commencer petit et d’y aller step by step.»

Savoir s’entourer: «Se retrouver soudain isolée peut être difficile à gérer, note Anne-Chantal Junod. Des réseaux tels que Genuine Women ou Mastermind se révèlent alors très utiles. On se rend compte qu’on n’est pas seule à traverser les mêmes épreuves, c’est inspirant de constater qu’on vit toutes des hauts et des bas et qu’on connaît forcément des moments où on a envie de tout laisser tomber. Mais, promis, on trouve toujours une manière pour y parvenir, quels que soient les virages!»

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