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Je suis asexuelle, et alors?

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Selon certaines estimations (notamment une étude menée en 2004 à l’université de Brock, au Canada, par le professeur Anthony Bogaert, auteur de «Understanding asexualiy»), 1% de la population éprouverait une absence de désir.

© Getty Images

Jessica (prénom d'emprunt) en a fait son cheval de bataille. Sur les réseaux sociaux d’abord, dans les médias ensuite. Elle le dit à qui veut l’entendre: «Je suis asexuelle, et alors?» L’asexualité, un terme qui était encore inconnu dans les années 2000, et qui a soudain fait son apparition sur le devant de la scène. Un asexuel, c’est donc quelqu’un qui n’éprouve aucun désir sexuel envers autrui.

«Avant, je pensais juste que je n’avais pas de libido, puis je me suis rendu compte que c’était quelque chose qui existait, qui avait un nom, qu’il y avait une communauté, explique cette jeune Romande. J’ai même fait des tests hormonaux, pour voir si j’avais un «problème», mais non, je suis «normale»! Est-ce que tout cela est le résultat d’un traumatisme enfoui? Franchement, je ne vois pas.»

Un jour où elle se posait plein de questions, son prof de yoga lui a ouvert les yeux en lui disant: «Si tu souffres de coucher avec quelqu’un, pourquoi chercher plus loin?» Et Jessica de résumer: «Mon cerveau n’est simplement pas fait pour le sexe, ce n’est pas plus compliqué.»

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Un havre nommé Aven

Et elle n’est pas la seule dans ce cas. Selon certaines estimations (notamment une étude menée en 2004 à l’université de Brock, au Canada, par le professeur Anthony Bogaert, auteur de «Understanding asexualiy»), 1% de la population éprouverait la même absence de désir. Une communauté est née, on parle de «A» ou «Ace». Un site fédérateur a vu le jour, Aven (à ne pas confondre avec l’Aven valaisan, l’association valaisanne des entreprises de nettoyage).

A Lausanne, Jessica a créé un groupe de parole. «J’ai rencontré beaucoup d’autres personnes dans la même situation et en tant qu’ace, même dans la communauté LGBT, tu ne te sens nulle part à ta place. Les gens ont de la peine à comprendre.»

La question qui agite désormais les sexologues est de savoir comment en parler. Certains «spécialistes», à l’instar d’Agnès Giard, auteure du blog Les 400 culs, sont franchement hostiles à cette catégorisation. Dans un billet, elle parle carrément «d’anorexiques du désir», qui «trouvent le sexe à ce point inintéressant qu’ils en font leur slogan».

Que signifie l'absence de désir sexuel?

Pamela Borelli, sexologue aujourd’hui installée au Tessin, s’est penchée sur la question, et se montre plus nuancée. Alors, orientation ou choix? «Je pense que nous sommes entre l’identité et l’orientation sexuelle.» Pour elle, la question est délicate car les personnes asexuelles se définissent justement par leur «non-orientation» envers le sexe. «C’est dans ce sens que, personnellement, je ne le définirais pas comme une orientation, car il n’y a justement pas d’orientation sexuelle. Pour moi, il s’agit davantage d’une identité. Et en tout cas pas d’un choix. Comme on le dit souvent, nous sommes le produit de notre histoire.»

Et la demisexualité, ça existe aussi

Une personne asexuelle se définit comme une personne qui n’a pas d’attraction sexuelle pour une autre personne. Au sein de ce groupe, il existe de nombreuses sous-catégories aux contours plus ou moins définis. Les «demisexuels», par exemple, peuvent avoir des relations sexuelles, mais uniquement avec quelqu’un pour qui ils éprouvent des sentiments d’affection très forts, ou les «grey», qui sont à l’asexualité ce que sont les fléxitariens au végétarianisme… des catégories et sous-catégories qui ne doivent pas être confondues avec le concept d’abstinence qui, lui, suggère un choix. «Contrairement à une personne abstinente, une personne asexuelle ne perd pas son identité si elle a une relation sexuelle (par exemple pour faire plaisir à un partenaire) ou si elle se masturbe», renchérit Pamela Borelli.

De son côté, Jessica continue sa croisade. «Franchement, si on me dit d’aller voir un psy, cela m’énerve. Est-ce qu’on dirait à un homo d’aller en voir un? Même si je ne sais pas si on peut parler d’orientation, ce n’est pas mon choix! Et je n’ai pas besoin de chercher la cause de mon asexualité, j’ai juste besoin que les autres l’acceptent.»

La sexologue Pamela Borelli ne dit pas autre chose. «A une personne qui se dit asexuelle, je poserais la question: «Est-ce que cela crée une souffrance chez vous?» Si la réponse est non, je n’irais pas plus loin. Si la réponse est oui, je comprendrais alors que je ne suis pas face à une personne asexuelle, mais face à une personne «sexuelle» qui a de la difficulté à identifier ses propres codes d’attraction sexuelle. Dans ce dernier cas de figure, un travail peut être fait.»

Pour Jesssica, la chose est limpide. «Depuis que j’ai fait mon coming out, je me sens davantage moi-même, vraiment libérée. J’ai réalisé que je me forçais depuis longtemps. Je ne peux parler qu’en mon nom, car chacun vit sa sexualité ou son asexualité de manière différente, mais je me suis donnée comme mission d’éduquer les gens sur le sujet.»

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