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La plainte a été initiée par des parents au bord de la crise de nerfs. Ce début du mois d'octobre 2019, un cabinet québécois a lancé une demande d’action collective contre Epic Games, studio qui édite Fortnite: «On parle d’un jeu qui a été développé par des équipes de psychologues spécialisés pour créer un caractère d’addiction et on reproche à la compagnie de ne pas avoir divulgué les risques et dangers inhérents au produit», expliquait à l’AFP Jean-Philippe Caron, avocat chargé de cette action inédite.

Objectivement, un bon jeu

En seulement deux ans, «Fortnite Battle Royale» est devenu le jeu vidéo le plus populaire du monde. Quelque 250 millions de gamers, des pré-ados, ados et adultes, de sexe masculin pour la plupart, s’accrochent à leur console ou à leur PC pour s’y adonner. Son principe? Simple, 100 joueurs s’affrontent en solo ou en équipes sur une carte de jeu pendant 20 minutes, aidés par des armes aléatoires, en créant des structures de protection tandis que la fameuse map se réduit petit à petit. A la fin, il ne doit en rester qu’un.

Classé 12 ans par la signalétique PEGI, le jeu, gratuit, qui évolue dans un univers fun et magique sans hémoglobine ni violence crue, ratisse large.

Toutefois, sur les réseaux sociaux, les parents râlent. Comment faire entendre raison à leur teenager qui fait passer Fortnite avant ses heures de sommeil et ses devoirs? Le jeu contiendrait-il, comme le prétend cet avocat d’outre-Atlantique, des vices cachés pour rendre nos enfants dingos? Niels Weber, psychologue lausannois spécialiste en hyperconnectivité et gamer à ses heures, relativise:

«D’abord, c’est objectivement un bon jeu. Il est bien construit, divertissant, maîtrisé, rapide. Il incite à la collaboration et a une bonne rejouablité car chaque partie est différente. Culturellement, c’est un bon produit, d’où son succès. Après, il y a un enrobage économique. On peut acheter des costumes, des danses, ce qui créée une certaine pression sociale.»

Quant aux mécanismes qui engendreraient l’addiction, là aussi le spécialiste nuance: «Comme pour les films qui signent de bons scénaristes pour accrocher le spectateur, les studios engagent des game designers parfois aidés de psychologues pour construire l’action mais, quand ils s’expriment, ceux-ci expliquent clairement les ficelles, il n’y a aucun vice caché. Tout est visible à l’écran pour autant qu’on prenne le temps de l’analyser. Fortnite n’est pas plus addictif que ne l’ont été World of Warcarft, League of Legends ou Minecraft

Comme au casino

Gabriel Thorens, médecin adjoint agrégé au centre d’addictologie des HUG, estime lui aussi que Fortnite n’est pas plus problématique que d’autres jeux.

«Comme il y a énormément de joueurs, il y a un aspect modeling, il faut en être. Ce qui est sans doute le plus satisfaisant pour le joueur, c’est la rapidité et la distribution de récompenses aléatoires qui stimulent le centre du renforcement. C’est le même fonctionnement que le jackpot des machines à sous, à chaque grande récompense il y a libération de dopamine.»

Autre point sur lequel s’accordent les experts, l’omniprésence du jeu sur les chaînes YouTube de gamers et de compétitions e-sport, qui alimentent le phénomène. «L’été dernier, la Coupe du monde de Fortnite a permis à son vainqueur de remporter 3 millions de dollars», raconte Niels Weber.


Reconnu depuis l’an dernier comme maladie par l’OMS, le trouble du jeu vidéo est toutefois une réalité: «Il se caractérise par une souffrance, une altération du comportement du joueur envers son entourage, une perte de contrôle, des problèmes liés à l’apprentissage pour cette population jeune», explique le Dr Thorens. Dans ces cas extrêmes, faut-il alors interdire? Pour Niels Weber, c’est une option possible: «Les parents doivent intégrer qu’ils sont légitimes pour dire stop s’ils trouvent que l’enfant va trop loin. Toutefois, il faut pouvoir proposer des alternatives sur ce temps.» Pour éviter d’en arriver là, le psychologue conseille d’accompagner son enfant: «Il ne faut pas en faire un sujet tabou et sous-estimer l’aspect affectif, mais s’asseoir avec lui, regarder à quoi il joue, lui poser des questions sur le jeu, à défaut d’y jouer soi-même avec lui. Plus on mettra de mots sur ce qui se passe, mieux ce sera.»

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