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Mamie est online: le boom des apps de communication chez les seniors

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«L’usage de la tablette baisse depuis deux ans. Près de 70% des personnes inscrites à nos cours possèdent un smartphone et les autres restent sur l’ordinateur», a noté Blaise Willa, rédacteur en chef de la revue Générations. Si les premiers smartphones n’étaient pas très troisième âge-friendly, les nouvelles versions XXL sont plébiscitées.

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«On ne te voit pas, maman. Clique sur la petite caméra en bas de l’écran! Non, pas ici, tu vas raccr…»

Scène familiale ordinaire en temps de confinement, car durant plusieurs semaines, on a dû se résoudre à garder nos distances d’avec nos parents ou nos grands-parents. Ces derniers, s’ils souhaitaient garder le contact, ont bien dû s’y mettre: WhatsApp, Skype, Zoom, Facetime ont brusquement pris quelques cheveux gris. La tendance était déjà là, certes, mais la crise liée au coronavirus l’a accélérée de manière exponentielle. La technologie, plus abordable et intuitive, a fait le reste.

Ainsi, sans connexion au réseau, pas de salut, ou presque, en temps d’épidémie. «Cette période a mis au jour toute une tranche de la population qui a vécu une vraie nuit numérique, sans pouvoir contacter la famille ou commander à manger online», déplore Blaise Willa, rédacteur en chef de la revue Générations. Du coup, la coopérative homonyme va mettre en place dès septembre de nouveaux cours qui leur seront spécialement dédiés et axés sur leurs besoins.

«Les personnes les plus âgées, 80 ans et plus, n’ont eu en main que tardivement des ordinateurs ou des téléphones intelligents dans leur vie professionnelle ou privée. Ils n’ont donc pas eu ce contact régulier qui familiarise rapidement avec l’usage du digital, continue-t-il, mais il n’est jamais trop tard pour se lancer!»

Que ce soit chez Générations ou ailleurs, on a clairement remarqué un engouement en hausse pour ces cours de formation. «Disons que la demande est restée constamment élevée ces dernières années, avec environ 10000 inscriptions par an dans tout le pays», résume Peter Burri Follath, responsable de la communication chez Pro Senectute Suisse, qui donne des cours depuis plus de vingt ans. Selon ce dernier, la crise que nous venons de traverser a clairement eu un impact positif sur les personnes âgées en termes d’utilisation des apps de communication, mais aussi en termes d’achats en ligne.

Grand-papa est accro

Le contenu des cours s’adapte en conséquence. Autrefois, on apprenait aux seniors à manipuler une souris, désormais on leur apprend plus spécifiquement à utiliser les applications les plus populaires et les plus utiles. Acheter des billets sur l’app des CFF, envoyer des photos à son petit-fils, dialoguer sur WhatsApp… «Pas trop de technologie, mais beaucoup d’écoute, résume Blaise Willa. C’est une question de mise en confiance, beaucoup d’entre eux se sentent gênés de ne pas savoir.» Autres points régulièrement abordés: les nécessaires mises en garde sur les différents types d’escroquerie en ligne. Et comme une personne âgée prévenue en vaut deux, Peter Burri Follath a un conseil universel: «Nous recommandons toujours de parler à quelqu’un avant d’acheter quoi que ce soit en ligne, si vous avez le moindre doute.»

Car pour une personne du quatrième âge, souvent, tout est à apprendre, à découvrir. Heureusement, une fois qu’on s’y met, parole de formateur, ça va très vite. Trop vite?

«Avez-vous pensé aux risques d’addiction chez les personnes âgées de plus de 85 ans? Mon père, en pyjama, surfait encore à 23 heures sur les pages de la météo et des nouvelles suisses», faisait ainsi remarquer sur le ton de la plaisanterie la fille d’un utilisateur de la tablette Amigo.

Ce produit, en partie développé sur La Côte, ressemble à une tablette comme on la connaît, mais ultra-simplifiée. «Notre utilisateur a typiquement entre 75 et 100 ans, mais c’est la génération d’avant qui l’achète ou la recommande», explique Pierre Oberholzer, son concepteur. Mamie peut alors surfer, consulter ses mails, regarder des photos, mais c’est fiston qui gère les mises à jour et qui peut ainsi garder un œil. La fonction Bonjour envoie tous les matins un petit message à l’aînée, qui doit cliquer pour répondre. Une façon de s’assurer que tout va bien, même à distance. Depuis ce printemps, le produit se vend comme des petits pains.

Créneau porteur

Et si la tablette a encore davantage ouvert ce marché au troisième âge, elle est un peu en recul. «L’usage de la tablette baisse depuis deux ans. Près de 70% des personnes inscrites à nos cours possèdent un smartphone et les autres restent sur l’ordinateur», a noté Blaise Willa. En effet, si les premiers smartphones n’étaient pas très troisième âge-friendly, les nouvelles versions XXL sont plébiscitées.

Déjà, des organisations type soins à domicile s’intéressent notamment au produit développé par Pierre Oberholzer. Prendre des nouvelles, poser une question, tout ça pourrait se faire à distance.

«Il ne s’agit pas de virtualiser les relations – prendre la tension ou livrer des médicaments ne pourra pas se faire sans contact –, mais comme il faut toujours faire plus avec les mêmes moyens, c’est un créneau très porteur.»

Toutefois, il s’agit encore d’une musique d’avenir. Aujourd’hui, c’est une toute nouvelle tranche de la population qui sort soudainement de la nuit numérique. Et, vu le rythme de ce nouvel engouement, demain, ma grand-mère aura plus de followers que moi.

Musique d'avenir

Les développeurs se précipitent sur le marché prometteur de l’AAL, ou Active Assisted Living, la technologie au service du 3e âge: pyjamas intelligents qui surveillent le sommeil, sol connecté qui avertit en cas de chute, verres qui surveillent la consommation d’eau. «La technologie peut réellement aider les personnes âgées, ou leurs proches, résume Blaise Willa. Le vrai débat est de savoir où poser les limites par rapport à la liberté individuelle. Que penser d’une caméra qui suit vos faits et gestes ou d’une puce qui vérifie que vous n’avez pas mangé trop gras? Je caricature à peine, mais les excès, comme les bénéfices, coexistent.»

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