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On ne lit pas «Merci pour ce moment» parce que c’est bien écrit, mais parce que c’est bien envoyé. L’illégitime de l’Elysée a saisi la seule arme dont elle était munie, la plume, pour atteindre en plein cœur celui qui l’a répudiée. L’œil embué, elle visait l’homme, elle a atteint le pouvoir. Qu’importe: pour la femme blessée, ce n’est au fond qu’un dommage collatéral. Car Valérie Trierweiler, avec ce livre, n’avait en tête que sa souffrance et le besoin de clamer sa vérité.

Déballer sous les yeux du public les dessous un peu sales de son ex est une vengeance privilégiée mais bien banale chez les people. On ne vous parle pas seulement des dames de politiciens français. En octobre 2012, Joséphine Dard, la fille de l’auteur des «San-Antonio», appelle son amie, la journaliste suisse Anne-Marie Philippe. En larmes, elle lui raconte que Guy Carlier, son mari depuis six ans, vient de la quitter pour une autre. La confidente propose à Joséphine de venir la voir chez elle, près de Paris. Celle-ci décline mais accepte de donner une interview par téléphone. «Elle était dans une souffrance terrible et il fallait que ça sorte. J’étais sa force de frappe. Elle voulait dire à tout le monde à quel point son mari s’était mal comporté, elle avait envie qu’on pense qu’il était odieux», se souvient la journaliste. Avant de faire paraître l’entretien dans «Le Matin», Anne-Marie Philippe avertit Guy Carlier, qui ne conteste rien. Peu après, le couple s’est rabiboché. Mais Joséphine Dard ne parle plus à sa copine suisse: «Je la comprends. Elle veut se reconstruire. Je suis devenue celle qui la renvoie à son miroir.»

Un cœur en hiver

C’est que la vengeance fait du bien, oui merci, mais seulement sur le moment. Après, c’est une autre histoire. Mais reprenons depuis le début. Si nous lorgnons sur les coups bas des célébrités au point de faire grimper le livre de l’ex-future première dame au sommet des ventes, c’est peut-être que la vendetta amoureuse n’est pas si étrangère que cela à nos vies d’ici-bas. La rupture est l’une des épreuves les plus difficiles, disent les psys. On l’assimile à un deuil, et les étapes de la guérison sont à peu près les mêmes que lors de la mort d’un proche. Il y a d’abord le choc, le déni («ce n’est pas possible, il va revenir»), la souffrance, l’adaptation puis, dans les meilleurs cas, le nouveau départ et la renaissance.

La douleur est donc inévitable. L’une de ses manifestations est la colère et les actes parfois spectaculaires qu’elle provoque: crevaison des pneus de l’ex, passage au vernis à ongles du capot, coup de ciseaux dans les cravates, lettre anonyme au mari de la rivale… Autant dire que les conseillers conjugaux et les avocats en voient de toutes les couleurs, et pas seulement dans le camp de la gent féminine. Des différences côté méthode? La vengeance semble plus physique chez les hommes, plus psychologique chez les femmes. Mais elle varie aussi selon les tempéraments, les vécus et la manière dont s’est déroulée la rupture. Pour Denise Médico, psychologue et psychothérapeute, cheffe du service de consultation de couple et de sexologie à la Fondation Profa à Lausanne, la réaction dépend beaucoup du passé de la personne répudiée: «Quand nous tombons amoureux, il y a quelque chose d’unique qui nous lie à l’autre. On attend énormément de son partenaire. Et si nous avons rencontré un manque affectif dans notre existence, nous attendrons de l’autre qu’il remplisse tout. Evidemment, il ne va pas y arriver. La vengeance est une manière très émotionnelle de dire: tu n’as pas réussi à me combler. C’est donc la relation de couple qui nous met dans cet état-là.»

Retour de flammes

Dans son ouvrage «La rupture amoureuse» (Ed. Odile Jacob, 2014), la psychologue et psychothérapeute française Lisa Letessier donne l’explication chimique de ce dérèglement hormonal qui peut conduire l’être délaissé à agir de manière inhabituelle. Craquer pour quelqu’un libère une dose de dopamine dans l’organisme, provoquant les premiers émois. Mais l’état amoureux ne peut se prolonger qu’avec l’aide de l’ocytocine, hormone qui renforce l’envie de passer du temps avec l’être aimé. Après la rupture, le manque se fait sentir d’autant plus cruellement que la coupure est brutale et inattendue. «Le délaissé, tel un héroïnomane, va alors tout faire pour récupérer un peu de sa «drogue». C’est aussi cela qui entraîne les comportements de harcèlement chez certaines personnes quittées», détaille Lisa Letessier.

La vengeance, donc, peut s’expliquer scientifiquement. Et si on les pousse un peu, les conseillères conjugales admettront qu’une saine colère vaut toujours mieux qu’une colère rentrée, qui mène souvent à la dépression. Mais attention, vous avez bien lu «saine colère». Parce que naturellement tout n’est pas permis. On ne va pas vous relire le Code pénal. L’abandon peut nous mettre dans un état de destruction, soit de nous-même (la moitié des tentatives de suicide sont déclenchées par une rupture, selon Lisa Letessier), soit de l’autre. On atteint là le pire, le crime passionnel: puisqu’il ne peut plus m’appartenir, qu’il n’appartienne plus à personne!

Me Marc Bonnant a connu beaucoup de châtiments silencieux, ceux qui consistent à «être au bord de la rivière en se réjouissant de voir passer le cadavre». L’orateur virtuose du barreau a également croisé quelques vengeances actives. Comme celle, dit-il, de Cécile B., la maîtresse du banquier Edouard Stern, qui a tué en 2005 à Genève l’homme qu’elle aimait. «Son amour était immense. Mais c’est au moment où son amant a prononcé une phrase qui la rejetait et la niait qu’elle l’a tué. Elle l’a figé dans le moment où il l’aimait, pour qu’il en soit éternellement ainsi», analyse Me Bonnant, avocat de la famille Stern pendant le procès.

On est si compatissant avec la passion qu’elle peut même atténuer la sentence. «Notre droit pénal connaît le meurtre passionnel. Les émotions ne rendent pas le meurtre excusable, mais elles peuvent en expliquer les circonstances. Une manière de dire aux juges: si vous aviez vécu cette offense et ces circonstances, n’auriez-vous pas ressenti cette émotion-là?»

L’instrumentalisation des enfants est une autre forme courante de vengeance. «C’est celle que l’on rencontre le plus souvent», estiment Dominique Lorenz et Jacqueline Gay-Crosier, chargées des consultations de couples au Centre social protestant (CSP) à Lausanne. Obliger sa progéniture à prendre parti, ou l’ériger en témoin de ce que le père ou la mère a fait, c’est là encore tenter de détruire l’autre en le privant d’un amour.

Touché, coulée…

Les représailles n’apporteraient même aucun bénéfice psychologique durable à leur auteur. «Les personnes qui se vengent peuvent éprouver de la honte et baisser leur estime de soi. Ça décharge sur le moment, mais ça n’aide ni à oublier l’autre, ni à avancer dans le processus de deuil, ni à diminuer ses émotions douloureuses sur le long terme», explique Lisa Letessier. Marc Bonnant, lui non plus, ne se fait pas l’avocat de la vengeance, même de la plus inventive: «Elle est faussement libératrice. On croit atteindre l’autre, mais au fond c’est soi-même que l’on nie. La dignité de l’être c’est se tenir. Un être qui se venge est un être qui se meurtrit.»

Flanby sur le flan, Valérie Trierweiler espérait retrouver la renommée. Accéder à défaut au rang de légitime victime. On a attendu plus d’un mois. Mais rien. L’opinion s’est acharnée, puis s’est tue. Valérie restera à jamais la jalouse de la Ve République.

5 vengeances cultes

Pierrette Le Pen Accusé d’être avare en pension alimentaire, Jean-Marie Le Pen invite son ex à faire des ménages. C’était l’année de leur divorce en 1987. Pierrette le prend au mot et pose nue en tablier de soubrette dans les pages de «Playboy». Humiliation à son extrême droite. Tu l’as voulu, tu l’as eu.

Mia Farrow Woody Allen est parti? Tant pis. De toute façon, l’homme de sa vie, c’était Frank Sinatra. «D’ailleurs, notre fils Ronan n’est pas de lui mais de Frank», prétend-elle. Au rayon manip avec enfant, l’ex du réalisateur est une championne toutes catégories.

Isabelle Adjani Jean Michel Jarre la trompe? Elle le quitte en trois phrases dans «Paris Match»: «Non, je ne me marierai pas en août! Et tant mieux. Je le quitte.» Vengeance d’une vengeance: c’est par fax qu’elle avait été plaquée par Daniel Day-Lewis.

Elena Rybolovleva Il a fallu six ans et trois avocats à la blonde Russe installée à Genève pour faire cracher 4 milliards de francs à son mari, le patron de l’AS Monaco. Et ainsi obtenir rien de moins que le divorce le plus cher du siècle.

Christine Deviers-Joncour Entre la «Putain de la République» et Roland Dumas, c’était d’abord physique. Mais aussi un peu matériel: quelques millions, des tableaux, des appartements et des dessous-de-table. Dans l’affaire Elf, elle entraîne dans sa chute l’ex-ministre des Affaires étrangères de Mitterrand.

«J’ai piégé un séducteur virtuel», Claire, 47 ans

«La vengeance doit être rigolote, genre scénario de film. C’est de cette manière-là qu’elle fait du bien et qu’on s’en sort avec le plus de panache. Un jour, j’ai pris un séducteur à son propre piège. Notre relation a commencé lorsque nous sommes devenus amis sur Facebook. Il était follement intelligent, plein d’esprit, prévenant, et il m’attirait. Nous avons eu des échanges stimulants pendant plusieurs semaines. J’ai commencé à m’attacher. Je savais qu’il était séparé de sa femme, mais comme il s’est mis à prendre de la place dans mes pensées, j’ai cherché à en savoir davantage sur cet homme qui me faisait tourner la tête. J’ai alors cliqué sur l’un de ses contacts qui racontait un voyage avec un groupe d’amis, dont mon beau séducteur et une jeune femme. J’ai regardé le profil de cette jeunette, puis découvert des photos d’eux, lui et elle enlacés. Il avait oublié de me dire qu’ils vivaient ensemble…

Je lui ai fait une grosse scène avant de rompre, toujours virtuellement. Mais j’avais un autre profil, avec un prénom espagnol, Isabella (ma mère vient de là-bas), où on ne pouvait me reconnaître. Je lui ai fait une demande d’amitié, je l’ai séduit. Ça n’a pas été long, je savais quels étaient ses centres d’intérêt: je lui ai parlé de la danse espagnole, avec de charmants mots hispaniques et une orthographe française approximative.

Quand il a mordu à l’hameçon, j’ai publié un dernier post, avec une photo de moi, mais sans le visage… Une photo qui me dévoilait aux yeux de ceux qui me connaissent bien. D’un coup, il a bloqué le compte de la belle Espagnole. Je lui ai alors envoyé un message privé: «C’est chiant les gens qui mentent, n’est-ce pas? J’aurais adoré que tu continues ton amitié avec Isabella, c’est une fille très sympa.» Depuis, nous n’avons plus aucun contact.»

Elles se lâchent sur le web

Tout en restant incognito, nombre de vengeuses masquées avouent leur forfait sur internet. Morceaux choisis, plutôt saignants.

«Il était de droite, je l’ai inscrit au Parti socialiste.» [Catherine, 45 ans]

«C’était mon collègue et on devait travailler ensemble sur un dossier. Quand il m’a larguée, je lui ai conseillé de se mettre sur un autre boulot. Et quand le grand patron nous a demandé où nous en étions, j’ai dit: «Eric avait mieux à faire, j’ai dû finir le travail toute seule.» Il a eu droit à un averto.» [Amélie, 25 ans]

«J’ai mis en place une opération commando. En pleine nuit, avec une copine, on est allées écrire au vernis à ongles: «Pour Luc» sur le capot et les portières de sa voiture. Sauf qu’au final ce n’était pas sa voiture mais le véhicule de fonction de son père.» [Aurore, 34 ans]

«Il s’est vengé d’abord, je me suis vengée ensuite. Lui avait diffusé mon numéro de téléphone sur des sites pornographiques: j’avais alors reçu des dizaines de coups de fil étranges. Mais j’ai imprimé un corps d’homme nu avec sa tête, inscrit son numéro de téléphone et des propositions indécentes et j’ai collé mes petites affiches dans le quartier de… sa maman. Bonheur.» [Lucile, 27 ans]

«J’ai bazardé toutes les photos de lui, j’ai changé le mobilier de place à la maison, je ne veux plus porter son nom, j’ai liquidé mon alliance.» [Christelle, 40 ans]

«J’ai pris ses codes Facebook, j’ai posté des photos très ingrates de son adolescence, j’ai liké des pages archiringardes ou quasi extrémistes, puis j’ai poké son boss!» [Lorenn, 29 ans]

«J’ai fait tondre son chien, une horreur.» [Solange, 32 ans]

«Je suis allée chez lui pour récupérer mes affaires. Je devais ensuite laisser mon jeu de clés dans la boîte aux lettres. Mais avant, je n’ai rien trouvé de mieux que de passer quelques coups de ciseaux dans ses tee-shirts de foot préférés.» [Eléonore, 27 ans]

Prénoms fictifs.
Sources: grazia.fr, lepost.fr



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