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Sarah Marquis: ces voyageurs qui l’ont inspirée

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L'aventurière et exploratrice jurassienne Sarah Marquis.

© Anne-Laure Lechat

Ella Maillart avait la sagesse, un condensé d’humanité. J’ai tout dévoré de ce qu’elle avait écrit.» Calée dans son fauteuil, Sarah Marquis, l’héroïne-voyageuse, nous fixe de ses grands yeux noisette. Ils en ont vu défiler des paysages grandioses: du désert de Mojave à celui de Gobi, de l’Outback australien aux sommets des Andes, de la steppe de Mongolie au lac Baïkal en Sibérie. On ne s’étonne pas que celle que l’on compare souvent à Ella Maillart la cite parmi ses inspiratrices. «Quand, un jour de mars 1997, j’ai appris qu’elle venait de mourir, j’ai été très surprise car je la croyais décédée depuis longtemps. Je m’en suis voulu de n’être pas allée à sa rencontre. J’aurais aimé partager un bol de riz et une tasse de thé avec elle et l’écouter parler.»

Dès les premiers propos échangés, on a l’impression que Sarah Marquis a gardé son émerveillement d’enfant. «Je suis la même qu’à 7 ans, hantée par mes envies d’ailleurs. Petite, alors que mes deux frangins étaient occupés à des trucs de mecs, moi je me plongeais dans les bouquins. Je passais mon temps à la bibliothèque de Delémont pour emprunter des livres d’aventures. Devant le bâtiment, il y avait une boîte aux lettres où je glissais des suggestions d’ouvrages que le bibliothécaire pouvait se procurer.» Cela lui a permis de frotter son imaginaire aux expéditions de ceux qui lui prouvaient que ses rêves de lointain existaient.

Lire le décor

«On naît aventurier, on ne le devient pas, affirme-t-elle. Je crois que quelque chose est inscrit profondément à l’intérieur de nous. C’est notre mission. On en a chacun une.» Sarah Marquis n’apprécie pas qu’on ne la définisse que comme une aventurière: elle ne veut pas être prisonnière d’un mot. «J’ai toujours été une rebelle. Moi je suis un petit pont entre la nature et les humains. Je pars dans mes périples et je témoigne de ce que j’ai vu.» Elle revient à Ella Maillart. «Navigatrice, skieuse, cette femme était une athlète olympique. Elle s’est adaptée à tout, a fait preuve d’une grande flexibilité. Elle a conjugué la mer et les déserts. On ne se rend pas compte de ce que c’était de traverser toute l’Asie centrale, à cheval et en chameau, dans les années trente... Quant à moi, si j’aime tant la marche, c’est peut-être parce que sa vitesse, son rythme sont pile à la mesure de l’homme.»

Sa crinière blonde entoure son visage illuminé par un large sourire. «L’introduction à la nature et l’aventure m’a été donnée par mes parents. A Montsevelier, le village où je vivais, j’étais entourée de poules et de lapins. On ne partait pas en vacances, mais j’étais tout le temps fourrée dehors. Ma mère est la plus grande inspiratrice de ma vie. C’est elle qui m’a appris à lire le décor. Comme reconnaître les champignons ou cueillir le tussilage, qui a des propriétés médicinales. Elle m’a transmis les rudiments de la survie. Elle ne m’a jamais dit non, même quand je suis rentrée de l’orientation professionnelle avec l’intention de devenir vétérinaire, agent secret ou photographe.» Comme elle ne reçoit pas d’argent de poche, la petite s’attelle, à 7 ans, à collectionner les limaces dans le jardin. «Pour cent limaces, je gagnais 1 franc! J’économisais pour m’acheter chaque mois le magazine «National Geographic», au prix de 6 francs.»

Les livres, boîtes à voyage

De sa besace, elle sort des bouquins qui lui tiennent à cœur. Elle respire les pages usées, comme pour rappeler ses souvenirs. «Je relis souvent «Le chercheur d’absolu» de Théodore Monod, comme une piqûre de rappel. Ce scientifique a compris l’essence de l’humain en parcourant les déserts. Comme lui, je suis fascinée par le vide et le silence. Mais on n’est jamais seul dans un désert: les herbes, les animaux, les pierres… on ressent une connexion universelle.» Entre les récits d’Alain Bombard et de Jack London, un homme au visage émacié et au regard anxieux apparaît sur une couverture. «Bernard Moitessier, navigateur et écrivain, était un aventurier unique en son genre. En 1968, pour la première course autour du monde en solitaire du Golden Globe, il a construit son propre bateau en bois. Quand il est arrivé premier, on lui a dit que les journalistes n’étaient pas encore là. Le bonhomme a embarqué des vivres et il est reparti sans les attendre pour un second tour du monde.» A mesure qu’elle raconte, on sent le feu qui lui monte au visage. «Maillart, Monod, Moitessier ont été des éléments déclencheurs pour moi. Leurs livres sont des trésors, des boîtes à voyage. Moi je suis comme Tintin, s’amuse-t-elle: je vois la terre comme une gigantesque chasse au trésor! J’aurais voulu écrire mes récits comme les aventures de Tintin: Sarah chez les Incas, Sarah en Mongolie...»

Pour Sarah Marquis, l’aventure est une démarche solitaire: une expédition autant intérieure qu’extérieure. «Pour survivre trois mois dans le bush australien, une région très inhospitalière, il m’a fallu puiser dans mes vingt-trois ans d’expérience. Il ne suffit pas d’être un MacGyver pour partir à l’aventure. Il faut lire la nature. L’important est de sortir de sa zone de confort. C’est un peu comme recommencer à zéro. On a des acquis, mais on se sent nu.»


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Ce qui la dope Le challenge: faire quelque chose que je ne maîtrise pas, qui me sort de ma zone de confort. J’aimerais bien apprendre le russe.

Son don inattendu Je parlerais de don particulier: j’ai une grande capacité d’adaptation et de flexibilité. Je suis un caméléon.

Sur sa shamelist Je n’ai jamais le temps de nettoyer ma voiture! Et pourtant j’y vis car je suis toujours en route. J’y mange et j’y travaille.

Son dernier fou rire Avec ma mère. Mais c’est un gag entre elle et moi…

Son buzz «Les élections américaines m’ont beaucoup touchée. J’ai soutenu à fond Hillary Clinton. Pour moi, Donald Trump n’est qu’un clown. Je ne comprends pas qu’on ait osé lui donner la parole. Ce qu’il dit sur les femmes est dégradant.»


Hillary Clinton. ©Keystone/AP Photo/Patrick Semansky

Sa news Femme «La chanteuse Alicia Keys a fait polémique quand elle a osé se montrer sans maquillage à la cérémonie des MTV VMA fin août 2016. On l’a beaucoup critiquée, mais elle a tenu bon et elle a raison. Je l’admire de se montrer authentique et belle sans aucun artifice. C’est une démarche à laquelle j’adhère.»


Alicia Keys. ©AFP Photo/Angela Weiss

Son actu «Instincts», son cinquième livre à ce jour, est paru le 1er octobre 2016. Elle y raconte les trois mois qu’elle a passés dans le bush australien en mode survie, entre crocodiles et dingos – une odyssée du courage. Et elle donnera une conférence le 8 décembre 2016 à la salle communale d’Epalinges, à 19 h 30.

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