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témoignages

J’avais atteint 152 kilos

Ma première prise de poids massive s’est produite quand j’avais 17 ans

Une enfance heureuse à Lausanne, une bonne scolarité, le divorce de mes parents pas trop mal vécu, tout allait bien. Mais un jour d’avril 2007, un drame familial m’a coupé dans mon élan et a amorcé une spirale infernale. En une année, j’ai pris trente kilos. Je ne mangeais que des chips et des barres chocolatées. Il me fallait une marque bien spéciale, et c’est moi qui devais l’acheter. Je crois que c’était pour me donner des forces avant de rentrer à la maison. Je suivais des études pour devenir employé de commerce. Sans m’en rendre compte, je m’en suis désinvesti. En stage à Lausanne, j’ai commencé à multiplier les absences, mais l’échec scolaire aidant, j’ai perdu ma place.

Au fil des mois, j’ai augmenté les proportions de mes repas. Je mettais de la mayonnaise avec tous mes aliments et ingurgitais des féculents en quantités énormes. J’avais en permanence la sensation de faim. Il fallait que je mange pour me sentir bien. En 2009, j’ai fini par trouver un stage, j’y ai vu une lueur d’espoir. Mais en avril, la nouvelle est tombée comme un couperet: ma mère était atteinte d’un cancer des ovaires. Depuis quelques mois, elle avait mal au ventre, au point de perdre son travail qu’elle ne pouvait plus assumer. Nous étions en mode rémission rapide. Sa maladie a finalement duré cinq ans. Au terme desquels j’ai atteint cent cinquante kilos.

L’amour à corps perdu

J’ai arrêté mon stage pour ne me consacrer qu’à elle. Comme elle était d’un naturel très angoissé, je devais l’accompagner chez le médecin quasi chaque jour. Elle a refusé tous les médicaments, excepté les chimiothérapies. Cent trente au total. Je connais tout de cette maladie, ça m’a donné une forme de maturité. Mais je me suis peu à peu coupé du monde et enfermé dans ma bulle, composée exclusivement de mon père, ma sœur, mon frère et ma mère. Elle ne voulait pas rester seule, elle avait peur de mourir. Je n’osais plus la quitter, je ne sortais plus que pour ses visites médicales et ses promenades.

J’ai pris dix kilos par an. A l’époque, mon généraliste m’a demandé pourquoi chaque épreuve se manifestait chez moi par cette boulimie. J’étais alors incapable de lui répondre. Mon père était très inquiet pour moi et essayait de me faire sortir de ce cercle vicieux. Il m’a donné un article sur le syndic de Lausanne, Daniel Brélaz, qui, suite à un régime intensif et des séances d’acupuncture, était passé de 182 à 90 kilos. J’ai longtemps laissé le papier dans ma voiture sans le lire, je ne me voyais pas comme j’étais.

Le 5 janvier 2014, ma mère est finalement décédée

La dernière année a été heureuse, j’ai pu profiter de moments privilégiés avec elle. Je trouvais du travail mais je ne m’y rendais pas. Et je n’ai aucun regret, car ça me permet de mieux vivre mon deuil aujourd’hui. Le lendemain de la cérémonie, je suis monté sur la balance avec ma chienne sous le prétexte de contrôler son poids, car, comme nous tous, elle aussi avait grossi. Ça faisait deux ans que je ne m’étais plus pesé et à l’époque j’avais atteint cent trente-trois kilos. Verdict: cent cinquante-deux kilos. Pendant quelques jours, nous sommes restés en famille, mais ensuite, chacun a repris le cours de sa vie. Un tourbillon avait stoppé mon existence, me laissant seul et démuni, à 23 ans.

C’est là que s’est produit le déclic. Je me suis mis à la natation. D’abord un jour sur deux, puis tous les jours sauf les samedis. Je n’avais pas peur du regard des autres. En parallèle, j’ai commencé l’acupuncture avec un médecin. Mais la clé de ma réussite a été ma décision - sans jamais me mentir - de manger équilibré et en quantités raisonnables. Et, pour cela, de faire mes courses et mes repas moi-même. Pendant les quarante semaines qui ont suivi, j’ai perdu de deux à trois kilos par semaine. Je m’étais fixé deux ans pour retrouver mon équilibre. L’acupunctrice m’avait averti que, passé la barre des cent kilos, il devenait plus difficile de maigrir. Mais j’ai appliqué l’adage de ma mère «Le succès amène le succès», et j’ai atteint mon poids actuel, de soixante-deux kilos, en une année seulement. Après avoir changé trois fois de taille de vêtements, je m’habille désormais en S. Une diététicienne m’aide à rester stable, sans m’imposer ni régime ni restrictions. J’ai formalisé mes repas et ne pèse plus mes aliments. Je n’ai même plus peur d’aller au restaurant! Je sais que je ne regrossirai plus dans de telles proportions.

Renaissance

En janvier dernier, j’ai été opéré: on m’a enlevé le surplus de peau dû à ma perte de poids. Sur la base de mon dossier médical, l’assurance a tout pris en charge. Il a fallu six heures pour ôter cinq kilos de peau entre le ventre, le dos et les bras. On devait aussi m’opérer les cuisses, mais le médecin a jugé que, physiquement, c’était trop risqué. Quand je me suis réveillé, c’était comme une renaissance. Je me suis senti libre et léger, malgré la fatigue et la douleur que j’avais sous-estimées tant la perspective de cette chirurgie me rendait heureux. J’attends maintenant avec impatience qu’on me traite les cuisses.

Il y a un an, je n’avais plus de travail, plus de vie sociale, je m’étais éteint. Aujourd’hui, j’ai retrouvé une vie normale. Par un drôle de hasard, j’avais repris contact avec le responsable des ressources humaines de mon premier stage juste avant le décès de maman. En grande partie grâce à son soutien, mais aussi à l’écoute et aux encouragements de l’oncologue de ma mère, j’ai retrouvé un emploi à la ville de Lausanne. Mes amis ont été là pour moi quand je les ai recontactés. Je profite de cette liberté retrouvée. Sceptiques au début, mes amis et ma famille sont désormais fiers de moi.

Je n’analyse pas encore complètement ce qui m’est arrivé. Je connais les causes, mais je ne mets pas de mots justes dessus. C’est la prochaine étape, qui achèvera mon travail de restitution de moi-même. Mais je sais que le décès de ma mère a été le signal que j’avais accompli ma mission, que je pouvais recommencer à penser à moi. A présent, j’ai aussi envie de m’occuper des autres. Il y a 10% d’obèses en Suisse: par mon expérience, j’aimerais aider des jeunes qui subissent ce que j’ai vécu à remonter la pente, via les consultations au CHUV entre autres. Et surtout, je voudrais leur transmettre ce que ma mère me disait toujours: «Dans chaque épreuve, il y a du bon.»

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