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«Nous sommes passionnés de cuisine moléculaire»

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«Ce qui nous motive le plus aujourd’hui: redonner l’envie de manger à des gens qui ont eu des troubles alimentaires, quelles qu’en soient les formes.»

© Corinne Sporrer

Nous nous sommes rencontrés il y a dix ans. A l’époque, j’étais végane, un peu par flemmardise je dois avouer, car je trouvais que cuisiner était une perte de temps et je me considérais comme une piètre cuisinière. J’étais davantage tournée vers le yoga, la cuisine ayurvédique, les petites graines…

Pasquale, lui, était déjà un grand amoureux des fourneaux et il m’a immédiatement séduite avec des pâtes au saumon et asperges – il fallait oser, à une végane! – devenu depuis mon plat préféré. Ingénieur en sécurité routière et urbanisme venant des Etats-Unis, rien ne le destinait à faire de sa passion son métier. Collectionneuse de concours en tout genre depuis toute petite – mon tout premier était un concours de dessin du TCS quand j’avais six ans! – c’est moi qui ai inscrit Pasquale à sa première compétition de cuisine amateurs, en 2011, organisée par l’Université de Genève. Il devait créer un plat équilibré, rapide d’exécution et peu onéreux. Il a gagné la publication de sa recette de gambas au bord d’une mer de tomate dans le journal de la Faculté de médecine.

Après cette expérience, je l’ai inscrit à l’émission TV Les toqués du terroir, où il est arrivé en quart de finale. On a gagné des kilos de saucisson vaudois! L’année suivante, la chaîne nous a contactés pour une participation en équipe. Un défi que nous avons relevé ensemble! Moi qui n’étais pas à l’aise en cuisine, je me suis prise de passion pour la cuisine moléculaire, car ça me rappelait les travaux pratiques de chimie et de galénique (je suis pharmacienne et docteure en sciences pharmaceutiques).

Rencontres avec de grands chefs

A partir de là, les concours s’enchaînent et j’inscris Pasquale à tous ceux je trouve, en Suisse – on les a tous faits – ou à l’étranger. Les rencontres avec les chefs se font nombreuses et Pasquale reçoit des offres pour effectuer des stages chez des cuisiniers étoilés, comme Pierrot Ayer, à Fribourg. Il y prend goût, se fait engager en cuisine et gravit les échelons, en commençant par peler les carottes et les pommes de terre pour être finalement chef de partie dans le restaurant gastronomique d’une grande banque privée genevoise.

Nous remportons deux fois (en 2015 et en 2017) le titre de champion du monde du concours international de cuisine Note à Note, fondé par Hervé This, le chimiste-physicien connu pour avoir inventé la gastronomie moléculaire. La cuisine note à note utilise des composants purs (comme du lyophilisé, du concentré liquide, des extraits, etc.) permettant de créer des plats à l’infini, puisque à l’instar d’un piano, chaque note représente un goût que le cuisinier est libre d’assembler pour en faire une symphonie ou une cacophonie. Il est ainsi possible de prendre en compte les goûts et les couleurs de chacun, mais également les allergies et les intolérances, pour créer des plats sur mesure.

Aujourd’hui, on s’amuse beaucoup avec ce genre de cuisine. Avec un simple oignon, on crée de la confiture, du jus pour des bouillons, et on réduit les pelures en poudre ou en chips pour agrémenter des plats. C’est aussi une cuisine très écologique, car on ne jette presque rien!

Ne pouvant plus inscrire Pasquale aux concours amateurs (son niveau est passé à professionnel), je me lance à mon tour dans les compétitions de cuisine en solo. Du coup, Pasquale devient mon coach, notamment en 2017, à l’Institut Paul Bocuse, à Lyon, où Mercotte (de l’émission Le meilleur pâtissier, sur M6, je voulais absolument la rencontrer!) officie comme membre du jury. C’était l’année de mes 40 ans et l’occasion de vaincre une fois pour toutes mon complexe avec la cuisine. Le thème: sublimer la pomme de terre. A ma grande surprise, je remporte le premier prix! J’enchaîne à mon tour les concours culinaires et je remporte entre autres la finale de la Cuillère d’Or, à Paris, comprenant une brochette de grands chefs reconnus, l’un des rares concours réservé aux femmes cheffes, amatrices comme pros.

Quant à Pasquale, il se mesure aux professionnels en participant notamment au Grand Prix Joseph Favre imaginé et initié par feu Benoît Violier, comprenant les plus grands chefs du monde pour jury, au Swiss Culinary Cup, ou encore au Swiss Finger Food Trophy, organisé par le Bocuse d’Or l’an dernier, dont il gagne le premier prix.

Mais bon, on ne fait pas ça pour l’argent, c’est sûr. On a gagné, à part les saucissons vaudois, un four, des plaques de cuisson, beaucoup de casseroles, mais niveau financier pas grand-chose. Au contraire, pour s’exercer avant les concours, on doit dépenser pas mal d’argent.

A côté de notre passion commune pour la cuisine, nous collectionnons les défis. Après un diplôme et un doctorat en sciences pharmaceutiques, un certificat pédagogique, puis un bachelor et un master en droit, j’effectue actuellement, en parallèle à mon poste à plein temps, un doctorat en droit pénal et médecine légale. Oui, je suis un peu hyperactive… quant à Pasquale, après un diplôme d’ingénieur en sécurité routière et urbanisme, il a obtenu de nombreux certificats en management et leadership, ainsi qu’un CFC de cuisine pour donner de la valeur à son expérience professionnelle. Actuellement, il termine un MBA en santé publique, toujours en lien avec la gastronomie et la question du gaspillage alimentaire, tout en travaillant dans l’événementiel la journée.

Redonner le goût de manger

Ensemble, nous avons monté notre société pour répondre aux demandes émanant de particuliers souhaitant élaborer des recettes suites à un traitement thérapeutique comme une chimiothérapie, des allergies alimentaires, la pose d’un bypass gastrique. Notre plus grande satisfaction fut le jour où ce petit garçon de 7 ans a mangé pour la première fois une tranche de pizza au fromage! Souffrant d’une allergie très sévère aux protéines de lait de vache depuis sa naissance, il ne pouvait ingurgiter de produits industriels sans finir aux urgences et ne pouvait donc pas manger dehors, ni chez des amis. Entre mes connaissances médicales, galéniques et la créativité culinaire de Pasquale, nous avons élaboré une série d’une dizaine de recettes permettant à cet enfant de reprendre plaisir à manger tout en le désensibilisant aux protéines de lait.

Je crois que c’est ça qui nous motive le plus aujourd’hui: redonner l’envie de manger à des gens qui ont eu des troubles alimentaires, quelles qu’en soient les formes.

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