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Zeinixx: «Le graffiti est l’art le plus expressif, engagé et revendicateur»

Zeinixx graffiti geneve dieynaba sidibec Miguel Bueno

Invitée par le FIFDH, la graffeuse sénégalaise de 30 ans exerce son art à Genève jusqu'au 12 mars 2021.

© FIFDH/Miguel Bueno

FEMINA Quel message souhaitez-vous faire passer à travers la fresque géante que vous êtes en train de réaliser?
Zeinixx
Faire comprendre que les femmes dans l’espace public sont bien visibles. On est là!

Vous collaborez avec deux graffeuses genevoises. Est-ce quelque chose que vous appréciez ou avez-vous davantage l’habitude de travailler en solo?
J’adore le partage. Au Sénégal, j'aime réaliser des fresques en collaboration avec d’autres artistes. Cet esprit m’anime beaucoup: c’est dans le partage que l’on s’ouvre à d’autres horizons. Le monde ne tourne pas qu’autour de nous-même. Dans le cadre de ce projet genevois, je collabore avec Nadia Seika et Amikal, deux street artistes de talent que je connaissais bien. Nadia est déjà venue au Sénégal, ensemble nous avons partagé pas mal de murs. Cela me fait énormément plaisir de réaliser ce projet avec elles!

Comment se passe la collaboration concrètement?
On discute énormément, on fait des compromis. Avant mon arrivée à Genève, on avait créé un groupe WhatsApp. On a fait des maquettes, que l’on a ensuite proposées au festival. Il y a eu des retouches, des révisions, jusqu’à ce que tout le monde se mette d’accord. Chacune est dans sa bulle lorsqu’elle peint et sait ce qu’elle a à faire sur le mur.

Zenixx entourée par Amikal et Nadia Seika ©FIFDH/Miguel Bueno

Pourquoi avoir choisi le graffiti?
C’était ce qu’il y avait de plus expressif à mon goût. Je faisais déjà de la peinture, mais je ne suis jamais passée par les Beaux-Arts. J’étais dans l’anarchie totale! Mais rien que le fait d’être en contact avec la peinture me faisait du bien. Au fur et à mesure, je me suis familiarisée avec le graffiti. Cet art m’a immédiatement séduite et éblouie. J’ai tout de suite su que c’était ce qu’il me fallait.

Est-ce un milieu sexiste?
Non, je ne crois pas. Avec mes confrères graffeurs, j’entretiens de très bonnes relations: c’est eux qui m’ont boostée. Je n’ai pas été marginalisée, au contraire. J’ai évolué avec eux, dans un respect mutuel. Ils m’ont surnommée «Queen» et «First Lady», car j’étais la première femme à faire du graffiti au Sénégal. Il n’est pas difficile d’évoluer dans ce milieu à leurs côtés. Le problème vient plutôt de la société.

De par le regard, elle me rappelle sans cesse que je suis une femme, que je suis en train de faire quelque chose qui n’est pas commun. Les regards extérieurs, tantôt interrogateurs, tantôt très indiscrets, se font aussi parfois admirateurs.

Être constamment observée lorsque vous êtes en train de créer, n’est-ce pas difficile à surmonter?
Depuis le temps, j’ai pris l’habitude. Chacun a sa façon de gérer ces regards. Pour ma part, je travaille toujours en musique, je me camoufle derrière mes écouteurs. Ce n’est pas pour fuire les gens, mais pour pouvoir me concentrer. Pour autant, j’adore échanger avec les passants, savoir ce qu’ils pensent de mon art. Mais lorsque je graffe, j’ai vraiment besoin de m’isoler.

Vous avez commencé à graffer en 2008. Comment le street art a-t-il évolué depuis 13 ans? Est-il de plus en plus militant?
Oui, il est de plus en plus engagé. Au Sénégal, le graffiti a une dimension très sociale: les artistes parlent aux populations, transmettent leurs messages. C’est un art revendicateur.

Avez-vous toujours été féministe, ou y a-t-il eu un déclic dans votre vie qui vous a donné envie de vous engager ainsi?
Je ne m’autoproclame pas féministe, mais je milite pour les droits humains, en particulier ceux des femmes et des enfants. Mon combat principal, c’est de me battre pour que chacun soit libre. Cela vient du fait que j’ai été interdite de faire du street art à mes débuts. J’ai dû mener une bataille psychologique afin d’avoir l’autorisation de faire ce que je fais. Ma famille ne me comprenait pas, ne voulait pas que je fasse du graffiti. J’ai dû leur prouver que j’aimais ce que je faisais, que j’allais m’en sortir en pratiquant cet art. Dans la société africaine, le respect de la hiérarchie familiale est très marqué. J’ai mené mon combat à ma façon, très pacifique, sans faire de vagues. Et cela a fini par payer.

Il n’est pas normal que l’on choisisse à la place des gens, surtout lorsqu’il s’agit de femmes et d’enfants. Il est capital que chacun ait la possibilité de décider du métier qu’il exercera demain.

Se laisser façonner, c’est toujours dangereux. J’aimerais que chaque enfant ait la possibilité de concrétiser son rêve de devenir docteur, maçon, artiste, mécanicien ou astronaute. Il faut leur laisser le droit de réaliser leur parcours, de faire des erreurs et d’apprendre de ces dernières. C’est important de se réveiller chaque jour en étant heureux de pratiquer telle ou telle activité. L’épanouissement au travail contribue énormément au bonheur.

Quel message souhaiteriez-vous transmettre à toutes les femmes qui n’osent pas s’approprier l’espace public, à toutes les graffeuses qui s’ignorent?
J’aimerais leur dire d’essayer, tout simplement. Faites les choses que vous aimez. On ne perd pas grand chose à essayer! L’échec n’est pas calamité: on a le droit de tomber, mais on a le devoir de se relever. L’art n’a pas de sexe, il est fait pour tous les êtres humains. Si l’on ressent le besoin de s’exprimer artistiquement, il ne faut pas faire taire cette petite voix, au contraire!

La fresque géante prend ses quartiers devant les HUG. ©FIFDH/Miguel Bueno

Le 19ème Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains se déroule du 5 au 14 mars 2021, à Genève et en ligne. Plusieurs débats et rencontres sont à suivre sur le site internet du festival ainsi que sur les réseaux sociaux. De plus, les 29 films de la sélection officielle peuvent être visionnés à la demande. Les projections sont accompagnées d’entretiens inédits avec les cinéastes.

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